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Le BLOG de René KIMBASSA

Actualités & Politique

Cour Pénale Internationale: Ces modes de saisine qui renforcent la partialité de l’institution

Cour Pénale Internationale: Ces modes de saisine qui renforcent la partialité de l’institution

«Dans les relations internationales, il n’y a pas d’amis permanents ou d’ennemis permanents, seulement des intérêts permanents» Lord Palmer. Si la lutte contre l’impunité a présidé à la ré- daction du statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale (CPI), le chemin à suivre n’a pas totalement été débarrassé des écueils susceptibles d’entamer la crédibilité de l’institution chargée de combattre cette impunité. En effet, parce que la CPI a à connaitre des crimes graves commis par des personnes, le statut de Rome devait prendre toutes les dispositions pour que les personnes soupçonnées ne soient pas attraites devant cette juridiction à l’initiative d’organes ou de personnes dont les attitudes font plus remonter à la surface la subjectivité que l’objectivité. De telles dispositions auraient été salutaires du fait que les peines encourues sont extrêmement lourdes. Il fallait donc prémunir les mis en cause des accusations fantaisistes, creuses et totalement guidées par le désir de neutraliser des personnes qui affichent leur indépendance vis-à-vis des puissances impérialistes. Les rédacteurs de la charte ont adopté un chemin qui semblait, à leurs yeux, être le meilleur. Ils ont en effet reconnu au Conseil de sécurité, aux Etats Parties et au Procureur de la CPI, le droit de saisir la Cour pour des soupçons de crimes. La pratique observée depuis une dizaine d’année a achevé de montrer que ces organes saisissants ont, dans l’exercice de leur droit, renforcé la partialité de la cour. Deux de ces saisissants méritent une attention particulière. Il s’agit du Conseil de Sécurité (I) et du Procureur de la CPI (II).

Du Conseil de Sécurité


L’article 13-b du statut de Rome reconnait au Conseil de sécurité le pouvoir de saisir le procureur afin que celui-ci ouvre une enquête sur un ou des crimes déterminés. Le statut prend le soin de préciser que ce pouvoir se déploie «en vertu du chapitre VII de la charte de l’Onu». Il semble utile de préciser que l’intervention du conseil de sécurité est une arme qui met entre parenthèses, l’acceptation de la compétence de la cour par les Etats. Autrement dit, les Etats (mem- bres et non membres de la CPI) ont l’obli- gation d’accepter que  leurs ressortissants soient attraits devant la Cour sur saisine du conseil de sécurité. Car, aux termes de l’article 25 de la charte de l’Onu, «les membres de l’organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du conseil de sécurité conformément à la présente charte». Cela dit, les questions qui s’imposent au regard du pouvoir de saisine reconnu au Conseil de sécurité, sont celles de savoir si les crimes naissent ex-nihilo. Ne puisent- ils pas leur source dans des évènements po- litiques? Le Conseil de Sécurité, par le biais de certains de ces membres permanents, n’a-t-il pas un lien étroit avec les crimes commis? En général et particulièrement en Afrique, les crimes allégués naissent à l’occasion de litiges politiques. Bien souvent, les ressources minières et pétrolières, la conquête des terres arables, les velléités de positionnement ou de conservation d’une position dominante en constituent les causes pro- fondes. Dans cette guerre de positionnement, l’oc- cident agit par l’intermédiaire des acteurs qu’il soutient et qui seront, in fine, soigneusement épargnés dans la quête des auteurs présumés des crimes qui ressortissent de la compétence de la CPI. Par une curieuse coïncidence, l’occident avec à sa tête les Etats Unis, se trouve être «le maître» du Conseil de sécurité. De plus, le Conseil de sécurité statue sur les cas avec la participa- tion de pays non membres de la CPI mais qui disposent d’un droit de véto et qui ont en conséquence un poids certain dans la prise de décision. Il s’agit  par exemple de la chine, de la Russie, des Usa. Parmi ces pays, les Usa, tête de file des occidentaux sont connus pour être le pays qui exerce des montagnes de pressions pour que des per- sonnes qu’il ne soutient pas puissent être attraites devant la CPI. On n’oublie pas également les pressions exercées par d’autres «conquérants» que sont la France et la Grande Bretagne. Dès lors, comment ne pas penser que la saisine de la CPI par cet organe n’est rien d’au- tre qu’un acte hautement politique destiné à punir les protagonistes qui n’avaient pas le soutien occidental? C’est à ce niveau qu’on note la partialité de la CPI. Les affaires im- pliquant des ressortissants d’Etats non mem- bres instruits par le Conseil de sécurité ont été reçues favorablement par la Cour. On note par exemple le mandat d’arrêt émis contre le Président Soudanais Omar Al Ba- chir, «le bras de fer» entre la CPI et les autorités libyennes sur le cas Saïf Al-Islam Kadhafi. Pendant ce temps, les responsables du CNT(Lybie), les soldats américains et Georges Bush (pour les crimes en Irak) ne sont nullement inquiétés. La Lybie, le Soudan et les Usa ne sont pas Etats Parties au statut de Rome. Alors, si le Conseil de sécurité défère les crimes présumés commis par Béchir au Procureur, pourquoi n’envisage- rait-il pas de saisir ce dernier aux fins qu’il diligente des enquêtes sur les crimes com- mis par l’armée américaine en Irak? Il en va de même des nombreuses victimes de l’opération militaire Cast lead menée par l’armée israélienne à Gaza (Palestine) en 2009. On se souvient que, pour motiver sa décision d’abandon des poursuites contre les autorités israéliennes dans l’affaire de l’opé- ration militaire sus indiquée, le Procureur Luis Moreno Ocampo avait soutenu que la compétence de la CPI sur la Palestine dé- pendait du Conseil de sécurité. Mais depuis lors, le Conseil de sécurité tarde à saisir la perche que l’ancien procureur de la CPI lui a tendue. La partialité de la CPI est donc flagrante. Et, le Procureur à qui est aussi reconnu ce droit de saisine, ne fait que la renforcer.

Du Procureur de la CPI


Aux termes des dispositions pertinentes de l’article 15-1du Statut de Rome, le Procu- reur de la CPI dispose du droit d’initier, proprio motu, des enquêtes sur des faits de crimes portés à sa connaissance. Il dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire. Un tel droit reconnu au procureur fait de lui un être omnipotent étant entendu que les au- tres organes saisissants (le Conseil de sécurité et les Etats parties) lui renvoient les situations qu’ils ont examinées. Il est donc dans la structure de la Cour un «pion» central. Toute cette concentration de pouvoirs entre les mains d’une seule et même personne est favorable à tous les excès. Mais il semble que les rédacteurs du traité aient voulu limiter l’omnipotence du procureur en subordonnant toute enquête à l’autorisation préalable de la chambre préliminaire (article 15-2). A la pratique, il s’agit d’un pouvoir de contrôle quasi inexistant. En général, au vu des pièces fournies, la chambre préliminaire donne un avis favorable. Les rédacteurs du statut de Rome et les plénipotentiaires (conférence diplomatique des plénipotentiaires de l’Onu, 17 Juillet 1998) ont-ils réellement mesuré la portée des pou- voirs exorbitants du Procureur de la CPI? Ont-ils tenu compte du fait que les crimes ne sont commis qu’à l’occasion de confron- tations politiques? Répondons à ces questions en interrogeant l’affaire Procureur C Laurent Gbagbo. En Côte d’Ivoire, la procédure ayant abouti au transfert du Président Laurent Gbagbo à la Haye a été initiée par l’ex Procureur Luis Moreno Ocampo. Mais bien avant qu’il ne soit officiellement autorisé à mener ses en- quêtes, il s’était fait l’écho des menaces de Nicolas Sarkozy; lequel intimait l’ordre au Président constitutionnellement désigné vainqueur de céder le fauteuil à Ouattara ( ). On parvenait difficilement à faire la différence entre les menaces de Ban Ki-Moon, Barack Obama, Nicolas Sarkozy et celles de Moreno Ocampo. Ce bref rappel pour faire remarquer que le Procureur de la CPI s’était facilement engouffré dans les pressions politiques exercées par l’occident, toute chose qui ne relevait pas de ses com- pétences. Il avait une double casquette: celle du politique (adversaire objectif de Gbagbo) et celle d’un procureur-mercenaire au service de l’occident qui utilise la CPI comme arme d’intimidation. Dans une telle logique, le Procureur ne pouvait que procéder à une sélection fâcheuse des coupables qu’il ne trouve que dans le camp des vaincus. Tous les partisans de Ouattara (vainqueur de la guerre), présumés auteurs de crimes prévus par l’article 5 du traité ne sont nullement inquiétés par le Procureur. On se souvient encore du courrier de félicitation adressé à l’ancien chef rebelle Guillaume Soro, après avoir été porté (suite à la violation de l’article 65 de la Constitution) à la tête de l’Assemblée nationale ivoirienne. Le procureur, par cela, a fait de la méthode d’enquête et de poursuite séquen- tielle, un simple alibi inacceptable. La réalité est que le procureur se trouve aux confins de la politique et du droit. Sa souveraineté en matière de choix de «ses victimes» met en lumière le caractère politique de sa «sé- lection» et le droit sert à donner une texture juridique à son acte politique. En ce sens, son acte d’accusation dans l’affaire Gbagbo qualifié à raison de « brouillon » par Me Altit, suffit à lui seul pour mettre en évidence non seulement sa partialité, mais aussi et surtout celle de la Cour, qui, bien que recon- naissant l’insuffisance des preuves (après deux ans d’enquête du Procureur) contre Laurent Gbagbo, le maintient encore en détention à la Haye. Sur l’affaire Gbagbo, vient buter l’argument de l’impartialité de l’institution censée, en toute indépendance, de rendre justice à tous sans distinction. Au total, le pouvoir de saisine reconnu au Conseil de sécurité et au Procureur de la CPI s’analyse comme une autorisation à opérer une sélection entre les bons et les mauvais criminels. Les mauvais étant ceux qui sont considérés comme tels par les occidentaux et donc condamnés avant de franchir le box des accusés. La méthode des saisissants est tellement partiale qu’on serait tenté de dire avec Robert H. Jackson (Procureur améri- cain au procès de Nuremberg) que «Si vous êtes déterminé à exécuter un homme, quoi qu’il arrive, il n’y a  pas de procès…».■


Alain BOUIKALO Juriste

Source: Aujourd’hui / N°527 du Vendredi 13 Décembre 2013

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